Les Règlements d’Ordre Intérieur
au service de l’exclusion dans l’enseignement
Dans le secondaire
(Mai 2005)
Début avril dernier, cinq établissements scolaires de la région liégeoise ont décidé d’interdire le port du foulard à la prochaine rentrée : un du réseau communal et quatre du réseau catholique (1). Les établissements qui autorisent encore le port du foulard vont donc devenir rarissimes. On pourrait croire qu’il y a péril en la demeure pour qu’on prenne des mesures aussi radicales. Il n’en est rien. Cet acharnement ne vise en fait qu’une toute petite minorité. Pour l’ensemble des cinq établissements, sur un total de plus de 5400 élèves, celles qui portent le foulard sont à peine 160 (soit moins de 2,9%). Et si le taux est plus élevé dans certains établissements que dans d’autres, c’est précisément parce que les interdictions accumulées ces dernières années ont créé des écoles-ghettos. (Voir encadré).
Selon les déclarations des responsables rapportées par les médias, les raisons invoquées sont les suivantes : taux élevé d’élèves portant le foulard, Foulards de plus en plus sombres et longs, pression des garçons musulmans sur les filles, signe de radicalisation, symbole de soumission de la femme, signe religieux ostentatoire. Il est inutile de répondre sur le fond à ces arguments parce qu’aucun d’eux n’a de base légale. Aucune loi ou circulaire, aucun décret ou règlement ne prévoient quoi que ce soit sur un seuil de nombre tolérable de foulards, sur la couleur et la taille des vêtements des citoyens, sur la privation de leur liberté de conscience des victimes de pressions ou de radicalisation, sur le conditionnement de l’accès à l’enseignement à un certificat de non soumission, sur une quelconque définition ou de distinction entre signe culturel et signe ostentatoire et encore moins sur le fait de priver certaines personnes de leurs droits constitutionnels pour maintenir l’emploi de certaines autres (2).
A l’inverse, la décision d’interdiction viole clairement plusieurs dispositions légales. Pour s’en tenir au Droit belge, elle viole les articles 11, 19 et 24 de la Constitution (loi suprême et non « bête » Règlement d’ordre intérieur) qui stipulent que les citoyens ont le droit d’avoir une religion, de la pratiquer et de l’afficher. Ils stipulent également que l’enseignement organisé par la Communauté doit respecter les convictions philosophiques et religieuses des parents et des élèves. La décision d’interdiction viole aussi toutes les dispositions légales concernant la lutte contre les discriminations : certaines citoyennes sont exclues de certains établissements en raison de leur religion ou de leur sexe (seules les filles sont « punies »).
Ces graves violations ont des conséquences pratiques tout aussi graves pour les concernées : elles sont tout simplement exclues ou cruellement mises en demeure de choisir entre le respect des prescrits de leur religion et leur droit à l’instruction. Or cette mise en demeure contraste violemment avec l’intransigeance des établissements concernés à défendre bec et ongles leurs propres convictions. Et c’est là sans doute finalement le fond de toute cette affaire : le déni d’égalité. Prenons l’exemple de l’institut Saint Sépulcre. Cet établissement est financé par les contribuables toutes convictions confondues, mais il est constitué sur des bases religieuses, porte un nom religieux, n’autorise le cours que d’une seule religion, oblige les élèves ayant d’autres convictions à assister à ce cours et a le privilège d’avoir un calendrier de congés calqué sur le calendrier de sa religion. C’est un tel établissement donc, farouchement cramponnés à ses privilèges convictionnels exorbitants et les imposant aux autres, qui prend une décision qui considère les convictions d’autrui comme quantité négligeable. Et ce scandale n’est ni perçu ni dénoncé parce qu’il résulte du préjugé (conscient ou pas, le résultat est le même) que les citoyens de confession musulmane en particulier sont des citoyens de deuxième catégorie.
Il reste à espérer que la Ministre de l’enseignement de la Communauté française de Belgique ne cautionnera pas cette logique inégalitaire et qu’elle aura le courage de ne pas avaliser les nouveaux règlements d’ordre intérieur. Autrement, toutes les déclarations ronflantes entendues ces derniers temps sur « le vivre ensemble », « l’éducation à la citoyenneté », « le respect de l’Autre », ou « les valeurs démocratiques » apparaîtront pour ce qu’elles ont peut-être toujours été : du vent ! (3)
Statistiques du ghetto
Selon des données citées par le journal Le Soir du 26 août 2005, plus de 70% des 130 écoles appartenant au réseau de la Communauté française disposent d'un règlement d'ordre intérieur similaire à celui de Gilly. Le port du voile est interdit dans 16 établissements sur 20 à Bruxelles ; 23 sur 29 à Liège ; 11 sur 19 à Namur ; 10 sur 12 au Luxembourg ; 14 sur 16 dans le Hainaut occidental ; 5 sur 7 dans le Brabant wallon ; 9 sur 18 à Charleroi et 6 sur 9 à Mons. En pourcentage, 70% des écoles de la Communauté française interdisent le foulard en 2004 (contre seulement 41% en 2000 !!). La situation est comparable dans le réseau « libre » : près de 80% des écoles catholiques refusent le port du foulard. En Région bruxelloise, la situation est encore plus accentuée : seuls 8 établissements sur 111 acceptent les élèves portant le foulard.
Notes
(1) Ce sont l’athénée Maurice Destenay (implantation Saucy), l’institut Marie-Thérèse, l’institut Saint-Sépulcre, le Collège Saint-Hadelin (Visé) et le Centre scolaire Saint-François et Sainte Thérèse (Ans).
(2) Les écoles qui « tolèrent » le foulard sont abandonnées par certains parents, ont de moins en moins d’élèves et donc un encadrement disproportionné. Ce qui oblige de le réduire. Cet argument du maintien de l’emploi a été clairement avancé par le « très socialiste » échevin de l’enseignement.
(3) Pas de bonne surprise : la Ministre (CDH et ex-Parti Social-Chrétien) a avalisé le Règlement. La Ministre (PS) qui l’a précédée en a fait de même à la rentrée scolaire 2005 quand l’athénée de Gilly (Charleroi) a adopté un règlement d'ordre intérieur qui interdisait le port du foulard. Cette attitude est une lame de fond et elle a donné des résultats visibles.
Dans le supérieur
La HEPL discrimine
(Octobre 2009)
Pour certains établissements de la Haute Ecole de la Province de Liège (1), de nouvelles règles rentrent en vigueur à la rentrée 2016-2017. En effet, l’article 96 du Règlement Général des Etudes de l’une d’entre elles prévoit ce qui suit : « Il est interdit de porter, au sein de la Haute Ecole, toute forme de couvre-chef […] ainsi que tous les insignes, bijoux ou vêtements qui affichent de manière ostentatoire une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse ». Sur le papier, ce règlement semble viser tout le monde. Dans la pratique, il vise principalement les jeunes femmes qui portent le foulard et qui sont donc empêchées de s’inscrire dans ces écoles.
Quel est le problème ? -- Le problème est que ce règlement viole les lois de la Belgique contre le racisme. Ces lois considèrent comme de la discrimination le fait d’empêcher une personne d’accéder à un service ou à un bien, à cause, par exemple, de la couleur de peau de cette personne, de son handicap ou de sa religion. Or le règlement mentionné empêche les femmes de confession musulmane portant le foulard d’accéder à un service public et de jouir du droit à l’instruction. Il est donc discriminatoire sur la base du critère religieux.
Mais il y a plus grave. Il ressort de plusieurs articles de cette constitution que, sous la condition du respect de la santé et de l’ordre publics et des autres lois, on a le droit d’avoir une religion, de la pratiquer, de l’afficher et ce tant en public qu’en privé. Or le règlement mentionné empêche les femmes de confession musulmane portant le foulard de respecter les prescrits de leur religion et de les afficher. Il viole donc la Constitution, la loi suprême du pays, il viole les droits constitutionnels d’une catégorie de la population.
Que peut-on faire ? -- Il y a plusieurs démarches possibles.
1°) Il y a l’action en justice pour discrimination. Mais elle est insuffisante. (a) Cette démarche attaque non le racisme d’Etat, mais la discrimination qui n’en est qu’une conséquence. (b) Elle ne peut rien contre certaines discriminations qui sont appuyées par la loi et la jurisprudence (exemple de la professeure de mathématiques de Charleroi). (c) Elle est coûteuse et lente : Cela a pris plus de 3 ans à la professeure de mathématiques entre le Tribunal civil, la Cour d’appel, le Conseil d’Etat et la Cour constitutionnelle, avec au bout un résultat défavorable. (d) Ses résultats sont très incertains. Par cinq fois le Conseil d’Etat a trouvé une ruse de forme pour ne pas se prononcer sur le fond de différentes plaintes (exemple des écolières des athénées Gilly et Vauban). Quand il s’est décidé à poser une « question préjudicielle » à la Cour constitutionnelle, la réponse de celle-ci a été défavorable (exemple des écolières d’Anvers). (e) Enfin et surtout, la démarche condamne à une attitude passive en attendant une issue, on l’a vu, plus qu’incertaine. On peut se demander si le système judiciaire ne fait pas plus partie du problème que de la solution. Après tout, les juges vivent dans la société et en subissent l’influence ; Ils ont donc tendance non à dire le droit mais à emballer un choix de société préalable dans le droit (2).
2°) La proposition de création de « Hautes Ecoles musulmanes » (donc avec foulard admis) a été avancée récemment sur les réseaux sociaux et par certains membres de la communauté musulmane. C’est une démarche légale, mais elle est tout aussi insuffisante : (a) En entretenant l’espoir d’une école de ce type dans un futur lointain, cette démarche se résigne à laisser les discriminations continuer dans le présent ; (b) Elle renonce à exiger l’application du droit, à la démarche citoyenne. Elle met les victimes des discriminations dans une situation d’attente passive ; (c) Enfin et surtout, elle ne résout pas le problème des discriminations après les études. Et dans le public et le privé (pas de professeure de maths voilée, pas de voile au guichet…), comme pour les mandats publics (cf. les cas de Ozdemir, Zibouh, Azzouzi…), sauf à supposer l’intention de créer aussi une économie parallèle, des institutions représentatives parallèles. Ce qui serait un abandon total de l’idée même de citoyenneté ; ce serait aussi et surtout donner aux détracteurs un bâton pour battre leurs victimes : repli identitaire, ghetto, refus d’intégration, etc.
3°) La démarche de la pression « politique » sur les élus et les directions de partis (le Lobbying) évite en partie la position d’attente passive et pose le débat sur un terrain non judiciaire : le terrain politique. Ce qui peut être un premier pas vers la prise de conscience du racisme d’Etat, un racisme structurel. Mais elle est également insuffisante : (a) Les partis et les élus ont beaucoup d’expérience et peuvent ignorer l’interpellation ou manier la langue de bois dans la réponse ; (b) leur agenda est de perdre le moins de voix possible ou d’en obtenir le plus possible. Pour cela, ils ont tendance à tourner le dos aux discriminations subies par les musulmanes, car le combat contre ces discriminations leur ferait perdre plus de voix qu’il n’en rapporterait ; (c) Enfin et surtout, Les partis sont très imbriqués dans l’Etat, très incrustés dans ses mécanismes (dotations, privilèges liés à l’exercice du pouvoir, etc. ). Ils partagent assez largement son racisme de fait. Et sur ce point aussi, on peut dire que les partis sont souvent plus partis du problème que de la solution. (Exemple de la professeure de maths de Charleroi, persécutée par la coalition PS-CDH-Ecolo).
4°) Et cela nous amène à la quatrième possibilité qui est celle de la démarche autonome citoyenne de lutte pour l’égalité, contre le racisme d’Etat. Ayant fait le constat de l’insuffisance des autres démarches, il s’agira de prendre contact entre les concernées, de se voir, de faire l’unité, de s’organiser et de se battre sans attendre, en comptant d’abord sur soi. La démarche aura bien sûr plus d’impact et évitera l’attente passive, mais elle permettra surtout de faire l’expérience commune de la liberté : des concernées, par elles-mêmes, pour elles-mêmes. Cette démarche, sans exclure celles de l’action en justice et de l’interpellation politique, devrait être la démarche principale. Avec comme principales demandes :
1. L’abrogation de toutes les lois, décrets, circulaires et règlements discriminatoires ;
2. L’égalité effective entre toutes les convictions par la suppression des scandaleux privilèges médiévaux de la conviction majoritaire.
Trois interventions sur Facebook
(Novembre 2009)
1. Racisme d’Etat ? -- Les établissements de la Haute Ecole de la Province de Liège (HEPL), ont modifié leur Règlement Général des Etudes pour la rentrée 2016-2017. L’article 96 prévoit qu’il « est interdit de porter, au sein de la Haute Ecole, toute forme de couvre-chef […] ainsi que tous les insignes, bijoux ou vêtements qui affichent de manière ostentatoire une opinion ou une appartenance politique, philosophique ou religieuse ». Sur le papier, ce règlement semblait visé tout le monde. Dans la pratique, il vise principalement, sinon exclusivement, les étudiantes portant le foulard et qui sont donc automatiquement interdites d’inscription dans ces écoles, ou menacées d’exclusion si elles le sont déjà.
Cette discrimination viole les lois contre les discriminations qui interdisent et punissent le fait d’empêcher une personne d’accéder à un service ou à un bien, entre autres, à cause de sa religion. Elle viole aussi et surtout la Constitution. Celle-ci dit explicitement que, sous la condition du respect de la santé et de l’ordre publics et des autres lois, on a le droit d’avoir une religion, de la pratiquer, de l’afficher et ce tant en public qu’en privé. Les lois contre les discriminations et la Loi suprême sont ainsi foulées aux pieds par un « bête » règlement administratif. D’où une situation paradoxale : on a d’un côté des établissements chrétiens de l’enseignement secondaire qui obligent les filles musulmanes à la fois d’enlever leur foulard à l’entrée et d’assister au cours de religion catholique (l’ostentatoire prosélytisme subsidié que personne ne veut voir), un représentant de la Communauté catholique qui est dans l’ordre protocolaire le deuxième personnage de l’Etat après le Roi, une Fête nationale qui est ponctuée par une cérémonie à l’église ; et on a d’un autre côté des femmes portant le foulard qui ne peuvent même pas s’inscrire dans une école du supérieur pour étudier. Elles sont considérées comme des citoyennes de deuxième catégorie dont les convictions comptent moins, si peu ou pas du tout.
C’est donc animées par un sentiment de révolte contre l’injustice, contre le déni d’égalité des convictions qu’elles ont décidé de se battre. Elles ont d’abord sollicité l’intervention du Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia). Et après l’échec de la médiation de celui-ci, elles ont pris d’autres initiatives : plainte en justice avec le soutien du Collectif contre l’islamophobie en Belgique (CCIB), pétition ayant recueillie des milliers de signatures, campagne sur les réseaux sociaux, collecte d’argent pour payer leurs avocats (la Province a, elle, pioché dans l’argent de tous les contribuables pour payer les siens).
Ce faisant, elles ont forcé le positionnement de certains partis (Ecolo, PTB), obtenu l’appui solidaire du Conseil des étudiants, de professeurs, d’amis de toutes convictions … Mais elles ont surtout obtenu une petite (mais importante) victoire : le Tribunal a invalidé l’article discriminatoire du règlement et, dans la foulée, le Collège de la Province de Liège a suspendu son application. Les prétendues « soumises » ont fait preuve de courage et de combativité (et il en fallait dans l’atmosphère délétère post-attentats). Elles sont les véritables « héroïnes de cette histoire ».
2. Le foulard au Parlement wallon : une question d’intégration ? -- Depuis la rentrée scolaire 2016-2017, un conflit opposait les étudiantes portant le foulard et la direction de la HEPL. Cette dernière avait adopté un nouveau règlement d’ordre intérieur interdisant « toute forme de couvre-chef ». En apparence, il visait tout le monde, mais on sait maintenant, par les arguments échangés au tribunal et les déclarations de l’avocat de la HEPL à la RTBF, que le règlement visait les étudiantes portant le foulard. Après l’échec de plusieurs médiations, les concernées ont porté plainte en justice et, Le 5 octobre dernier, le juge a décidé que la HEPL avait tort et a suspendu l’article litigieux du nouveau règlement.
Peu avant la décision du juge, un débat a eu lieu sur ce sujet au Parlement de la Région wallonne où les deux ministres (PS) concernés ont été interpellés par une députée (Ecolo). On savait ce que les ministres allaient faire et c’est ce qu’ils ont fait : botter en touche et maintenir la liberté des directeurs et pouvoirs organisateurs d’interdire le foulard. Mais la députée Ecolo est, elle, dans l’opposition et on pouvait s’attendre à autre chose. Elle a en effet rappelé la position du Centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) selon laquelle l’interdiction du port du foulard, en dehors des raisons d’hygiène et de sécurité, est une discrimination. Et c’est déjà pas mal, mais il reste deux problèmes liés à son interpellation.
Le premier concerne l’argument qu’elle a ajouté et qui dit que la législation anti-discrimination prévoit de ne pas « pénaliser » les femmes portant le foulard, de « leur permettre l’accès à l’enseignement et à la formation, afin notamment de leur donner accès à l’emploi, outil d’intégration s’il en est ». Cet argument a une implication assez troublante. Si on porte au cou une croix ou un triangle rouge, on est automatiquement intégrée même si on n’a pas d’emploi. Par contre, si on porte un foulard, on n’est pas intégrée tant qu’on n’a pas un emploi. Ainsi, parce qu’il refuse l’égalité entre les convictions, l’argument de la députée ressemble à un certain champignon des bois : beau, mais toxique.
Le deuxième problème vient de ce que la députée appartient au parti Ecolo. Or ce dernier, on s’en souvient, faisait partie (avec le PS et le CDH) de la coalition qui s’est acharnée contre une professeure de mathématiques dans un établissement public de Charleroi. Les trois partis avaient tout fait pour la licencier parce qu’elle portait le foulard. Et ils y étaient parvenus. Dans ce cas donc, « l’intégration par le travail » n’a pas été évoquée. Il y a là sans doute bien plus qu’une simple incohérence…
3. Un jugement neutre du tribunal ? -- Depuis la rentrée scolaire 2016-2017, un conflit opposait les étudiantes portant le foulard et la direction de la HEPL. Cette dernière avait adopté un nouveau règlement d’ordre intérieur interdisant « toute forme de couvre-chef ». Ce qui entrainait la non inscription des nouvelles étudiantes qui portaient le foulard et la menace d’exclusion des anciennes. Après l’échec de plusieurs médiations, les victimes ont porté plainte en justice et, Le 5 octobre dernier, le juge a décidé que la HEPL avait tort et a suspendu le nouveau règlement. Ce qui est positif. Mais le jugement a aussi ses limites. En voici quelques unes :
1°) Le jugement dit que le but poursuivi par l’école est légitime (prétendument, apaiser les tensions liées au port du foulard), mais que le moyen utilisé est exagéré (disproportionné). Donc il ne dit pas que le règlement viole les lois contre les discriminations et porte atteinte à la liberté de conscience garantie par la Constitution. Autrement dit, il n’est pas question de respect ou non des droits, mais de bonne ou mauvaise gestion.
2°) Le jugement dit que l’interdiction du port du foulard peut être maintenue pour les stages par exemple. Donc il ne remet pas en question la légitimité et la « proportionnalité » des règlements anti-foulard sur les lieux de ces stages. D’où la conséquence : à la formation à l’école, le foulard est admis, mais au stage (qui pourtant fait partie de cette formation), il est interdit.
3°) Le jugement ne peut rien pour la suite en matière d’emploi dans le service public. D’où la conséquence : on reçoit une formation (comme comptable par exemple) en portant un foulard dans un service public (HEPL), mais on ne peut pas porter le foulard si on veut travailler dans un service public.
Est-ce que le Tribunal, au lieu de « rendre justice », n’a pas plutôt offert une sortie honorable à la direction de la HEPL ?
Notes
(1) Filières de la HEPL : assistance sociale, comptabilité, communication, soins infirmiers, psychologie, imagerie médicale, etc.
(2) La multiplication par l’Etat et ces institutions des réglementations et lois discriminatoires, d’une part et les agressions verbales et physiques du citoyen lambda d’autre part, ont le même message : les victimes sont des citoyens de deuxième catégorie et leurs convictions philosophiques aussi. Elles sont opprimées culturellement pour être présurées économiquement : dans les intérims, le travail au noir, le ménage, le nettoyage…
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