Foulard et discriminations

(Mars 2015)

Les femmes portant le foulard (adultes ou non) subissent des discriminations en raison de leur foulard. Elles les subissent dans de nombreux domaines : l’emploi, les formations, la scolarité ou encore les mandats publics. Or ces discriminations sont le plus souvent largement méconnues du public non musulman. Sont également méconnues les souffrances auxquelles ces discriminations donnent lieu : isolement, sentiment d’injustice, impossibilité d’autonomie par l’indépendance financière, abandon forcé du port du voile pour avoir un job, etc.

Au sein du mouvement féministe, le voile est ignoré dans ses multiples significations et le plus souvent réduit à un symbole automatique d’inégalité. Et tout se passe alors comme si les discriminations qui en résultent non seulement sont tolérables et tolérées, mais sont aussi considérées comme une sorte d’aubaine : si les contraintes institutionnelles forcent les femmes portant le foulard à enlever leur foulard, ce sera toujours cela de pris sur le chemin de l’égalité, croit-on. (Question : est-ce que les féministes ne peuvent défendre que les travailleuses qui sont féministes ?). Il y a là une double erreur. La première est de croire que le « dévoilement » signifie automatiquement libération et égalité. La seconde est d’oublier que les femmes portant le foulard sont aussi des travailleuses discriminées en lutte et doivent être défendues comme telles. En ne les défendant pas, on se prive d’un appoint non négligeable dans les luttes communes contre les ravages de l’économie néolibérale, et on livre les femmes voilées aux emplois précaires et mal payés qui deviennent pour toutes et tous (amélioration de la sacro-sainte compétitivité oblige) une des marques de fabrique de ce type d’économie.

On avance parfois que les discriminations en raison du foulard ne ressemblent pas aux autres discriminations parce que, en l’espèce, le port du foulard est choisi alors qu’un handicap, par exemple, ne l’est pas. Ce faisant, on oublie que les discriminations en raison d’un choix de grossesse ou de projet de grossesse sont légion. On oublie aussi que le choix du voile n’est pas une lubie, mais le résultat de l’exercice d’un droit fondamental garanti par la constitution et les droits européen et international : la liberté de conscience et d’expression. (Question : est-ce qu’il faut renoncer à un droit fondamental pour ne pas être discriminée ?)

Le fond du problème ce sont les discriminations résultant du racisme institutionnel, des lois et mesures d’exception contre les musulmanes et le culte musulman. Ce racisme d’Etat a des implications : sexistes (il renvoie la femme au foyer, il en fait une mineure qui ne peut décider de ces convictions), des implications sociales : il exerce une pression à la baisse sur les salaires (il oblige d’accepter n’importe quel boulot à n’importe quelles conditions à cause des discriminations), crée une catégorie de personnes qui exercent les métiers pénibles et mal payés, etc. des implications politiques (il crée une catégorie de citoyens de seconde zone), Et c’est ce même racisme d’Etat qui fait que le privé s’enhardit à discriminer en invoquant le principe de neutralité.

Voici, sous forme de plan, les différents aspects du problème sur le terrain conclus par quelques revendications de base :

I.- Les usagers des institutions de l’enseignement

1. Etudiants : cas du professeur refusant d’interroger une étudiante à cause voile, refus de stages…

2. Lycéens : Règlements d’Ordre Intérieur (distinguer athénées privés et publics)

3. Ecoliers : (exemple des deux fillettes de Verviers)

- Résultats pratiques : exclusion, discrimination à la scolarité sur la base de la religion

- Arguments servant de justification : empêcher le prosélytisme, appliquer le principe de neutralité

- Contre-arguments:

a) de principe : la neutralité ne s’impose pas aux usagers ; le Décret neutralité protège la liberté de conscience des parents et des enfants ; si une personne fait du prosélytisme abusif, il faut s’en prendre à elle et non supprimer le droit constitutionnel de toutes.

b) juridique : la démarche judiciaire est envisageable : l’usager est parfaitement dans son droit, dans le respect de la loi.

 

II.- Les agents de l’Etat (services généraux : communes, administration)

1. interdiction des fonctionnaires et employées aux guichets

2. Les enseignantes (exemple Topal)

3. Les professeures de religion du réseau public

- Résultats pratiques : exclusion, discrimination à l’emploi sur base de la religion.

- Argument de justification : appliquer le principe de la neutralité de l’Etat.

- Contre-arguments :

a) de principe : neutralité du service presté, pas des apparences (aucune apparence n’est neutre) ; Nuance : particularités des tribunaux (juges, avocats, jurés d’assises) et des métiers à uniforme (armée, pompiers, etc.). Ce sont des métiers auxquels il faudrait renoncer : la situation de minorité ayant ses inconvénients ?

b) juridique : démarche judiciaire envisageable, mais si les résultats en sont aléatoires. Pour les professeures de religion du réseau public, il y a maintenant un arrêt du Conseil d’Etat qui fait jurisprudence.

 

III.- Les travailleuses du privé

1. Les employées (Les affaires Hema et une Librairie de Bruxelles)

2. Les enseignantes du réseau « libre »

3. Les professeures de religion du réseau « libre »

- Résultats pratiques : Licenciement, discrimination à l’emploi sur base de religion

- Arguments de justification : neutralité, uniforme, souhait du client

- Contre-arguments:

a) de principe : le principe de neutralité ne s’applique pas au privé ; on n’a pas à céder aux desiderata racistes du client ; (Nuance : la question des uniformes dans les entreprises de vente au détail : comme la Fnac, les grandes surfaces, etc.)

b) juridique : démarche judiciaire est envisageable et a beaucoup de chances d’aboutir.

 

IV.- Les élues, mandataires, représentantes et visiteuses

1. Elues : affaire de l’élue Mahinur Ozdemir au Parlement bruxellois, de la conseillère Layla Azzouzi au CPAS Verviers

2. Mandataires : l’affaire de Fatima Zibouh, candidate comme mandataire Ecolo au CECLR

3. Représentantes : affaire des assesseures aux bureaux de vote des élections communales 2006 à Bruxelles

4. Visiteuses au parlement fédéral : règlement interdisant « tout couvre-chef »

- Résultats pratiques : tentative d’exclusion, exclusion, sanction (amende), discrimination sur la base

de la religion

- Arguments de justification : Elles représentent tout le monde et doivent cacher leurs convictions

philosophiques

- Contre-arguments :

a) de principe : une élue, telle quelle est, représente ceux qui l’ont élue telle qu’elle est ; par définition, une élue n’est pas neutre : est-ce que M. Reynders (MR, droite) représente aussi les électeurs du PTB et du PS, est-ce qu’une élue du Vlams Belang (extrême-droite) ou le FN représentent les électeurs de Groen et d’Ecolo ? ; Une mandataire représente celles et ceux qui la mandatent.

b) juridique : la démarche judiciaire est envisageable, car, par définition, un élue ou mandataire ne représente pas « tout le monde », il n’est pas neutre : il représente une « option » (sociale, politique…). C’est la raison même des élections, des quotas « partisans » de mandataires, etc.

 

VI.- Quelques revendications de base

1. Suppression de l’interdiction du foulard aux guichets

2. Suppression de l’interdiction pour les élèves et les enseignants

3. Poursuites judiciaires contre les discriminations à cause de la religion dans le privé car les « discrimineurs » violent la loi (constitution, loi contre le racisme et contre les discriminations, non application du principe de neutralité au privé)

4. Garantie de la liberté de conscience et d’expression : il n’y a pas de liberté de culte si les gens sont empêchés de pratiquer leur culte ou mis en demeure (contraints) de ne pas en respecter les prescriptions pour avoir un emploi.

contact@afdj.info

Copyright © 2021 À Fleur de justice

Webmaster TNC