Arifé, Naïma et les autres
Chroniques des persécutions d’Etat
(2004-2007)
Arifé (enlever son foulard pour avoir une pièce d’identité)
(Mars 2004)
Arifé Beyhan est née à Liège en 1979 et porte le voile par conviction religieuse. En juillet 2002, la commune de Visé a refusé la photo qu'elle présentait pour le renouvellement de son document d'identité. L'employée lui a montrée l'avis où l'on peut lire que « malgré le port du voile, seront admises uniquement les photos dont le visage est entièrement dégagé laissant apparaître la naissance des cheveux et des oreilles ». Mais l’employée n'a pas signalé une circulaire de 1981 qui, suite aux nombreuses demandes émanant des diverses communautés religieuses, a ajouté qu'outre le visage, « il est souhaitable mais non requis que les cheveux et les oreilles soient également dégagés ». Malgré l'entrevue avec le bourgmestre, la médiation du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et une dernière tentative en présence d'huissier, la commune est restée sur ses positions. Arifé Beyhan a alors porté l'affaire devant la justice.
Outre l'argument juridique, l'avocat a fait valoir un argument de bon sens : si le but est l'identification de la personne, il est plus judicieux que l'aspect sur la photo et l'aspect au quotidien soient très proches. Le tribunal des référés de Liège a donné raison à la plaignante. Mais le problème de fond reste posé. Le bourgmestre avait en effet déclaré : « Je ne peux pas supporter que la femme ne soit pas l'égale de l'homme! » - ce qui montre qu'il avait pris une décision publique non en fonction de ce qui est prévu par la loi mais en fonction de convictions philosophiques strictement privées. Et c’est en fonction de ce parti-pris qu’il a fait appel de cette première décision de justice.
Or, le 15 janvier dernier [2004], la Cour d’appel de Liège l’a débouté sur la base du même argumentaire de la défense. Cette nouvelle décision va maintenant s’ajouter aux autres moyens juridiques des défenseurs de la liberté de culte. En effet, comme l’explique à la Libre Belgique un avocat du barreau de Liège, « Cet arrêt peut maintenant faire jurisprudence. Plus aucune administration ne pourra refuser de délivrer une carte d’identité sous prétexte que la personne est voilée sur la photo. C’est la liberté des gens d’apparaître comme ils veulent sur leur carte d’identité. L’important, c’est que l’on arrive à les identifier ».
Naïma (enlever son foulard pour travailler)
(Décembre 2004)
Rik Remmery est le patron d'une petite entreprise alimentaire de Ledegem en Flandre occidentale. Il a reçu quatre lettres de menaces de mort. La quatrième promettait 250.000 euros à celui qui aurait sa peau et elle est signée « Nouvelle Flandre libre ». Ces lettres lui reprochent d'être « un mauvais Flamand qui collabore avec les musulmans ». Il refuse en effet de licencier une de ses employées : une jeune Belge d'origine étrangère : Naïma Amzil. Embauchée depuis 8 ans, donnant toute satisfaction à son employeur, elle a eu le tort d'être d'origine marocaine et de porter le voile. Après la deuxième menace, elle a décidé de retirer son voile au travail et de se contenter du « voile » en plastique obligatoire pour tous dans l'alimentation. Mais les menaces continuant, Naïma a donné son préavis que le patron a refusé en disant : « Où va-t-on? on me demandera bientôt de ne recruter que des blondes aux yeux bleus? ». Il a été soutenu par l'Unizo (Union des classes moyennes en Flandre) qui a lancé sur internet une pétition qui a recueilli des milliers de signatures en quelques jours et une manifestation de soutien en faveur de Naïma a rassemblé un millier de personnes à Ledegem.
M. Remmery et Naïma ont aussi été reçus par le roi. Naïma a été nommée « personnalité de l'année » par le magazine flamand Knack qui a retenu la sérénité de la travailleuse confrontée au déchaînement raciste – Ce qu’on sait bien dans une de ses déclarations : « Pour les allochtones, ce n'est pas évident d'étudier, de travailler, de se faire des amis et de vivre avec les autochtones. Autant de conditions du bonheur. Le pire, c'est de ne pas trouver d'emploi. Comment peut-on s'intégrer si on est privé de travail par le racisme ? ».
Mais combien d'entrepreneurs ont le courage de Rik Remmery ? Combien d'entrepreneurs anticipant le chantage ne recrutent pas les « allochtones »? Et cela d’autant plus que l'auteur des lettres de menace semble avoir fait des émules. Deux exploitants de restaurants « pitas », un Pakistanais à Courtrai et un Marocain à Ypres, ont reçu des lettres de menaces puant la haine raciste avec le Lion des Flandres en guise de signature. On y lit : « Pliez bagage ou mourez ! Les Flamands exigent que vous retourniez au pays de vos ancêtres. Vous avez assez profité de nous. Nous savons que vous voulez imposer l'Islam en Europe, mais plutôt mourir qu'accepter cela ». (Le Soir, 24-25/12/2004, 15-16/01/2005 et 19/12/2005 ; L’Echo, 26-28/03/2005).
Hanane (enlever son foulard pour être citoyenne)
(Septembre 2006)
Hanane est convoquée comme assesseur à Molenbeek à l'occasion des communales. Mais la convocation précise qu’elle interdit « la manifestation extérieure de toute forme d'expression religieuse ». Or Hanane porte le voile. A l'inverse des autres régions, Le président de la région bruxelloise, (Ch. Picqué, PS), a arrêté en effet des instructions administratives qui prévoient une telle interdiction (Moniteur belge, 30/08/06). Elle a été confirmée par le président du bureau de vote de Hanane. Mais il y a pire : si celle-ci s’absentait sans justification, elle devra payer une amende pouvant aller jusqu'à 200 euros. Pour se sortir du pétrin, M. Picqué a renvoyé la décision à l'appréciation des présidents de bureau, augmentant l'arbitraire. De fait, une citoyenne voilée n'a pas pu officier à Saint Gilles.
Outre celle de Hanane, plusieurs autres plaintes ont été déposées et le Mrax a exigé le retrait pur et simple de la circulaire. L'interdiction édictée par M. Picqué n'a en effet aucune base légale. Pas besoin de juristes pour le dire. En 2004, Corinne Parmentier (députée MR) s'est élevée contre le fait que des citoyennes voilées aient officié en tant qu'assesseurs et même en tant que présidentes de bureaux de vote (à Uccle notamment). Elle a interpellé le ministre Dewael qui lui a répondu : « il n'existe aucune disposition légale concernant la tenue vestimentaire du président ou des membres d'un bureau de vote ». (Le Soir, 23-24, 25, 26, 28, 29/09/2006 ; 09/10/2006).
Farah (enlever son foulard pour étudier)
(Janvier 2007)
Farah est une jeune étudiante en deuxième année de pharmacie. A ce titre, elle recevait du Centre Publique d’Aide Sociale (CPAS) de Wavre un revenu d'intégration qui lui permettait de poursuivre ses études. L'octroi de ce revenu est lié à la réussite des études, or Farah a échoué cette année. Elle est donc convoquée pour une audition par le Comité spécial de l'aide sociale qui veut entendre ses explications et décider du maintien ou non du revenu. Elle répond à la convocation le 11 octobre dernier. Mais il y a un problème : le président (MR) du Centre refuse de recevoir Farah parce qu’elle porte le foulard. Farah n'est donc pas entendue et reçoit, quelques jours plus tard, une lettre lui notifiant le refus. La lettre se réfère à l'insuffisance des résultats scolaires, mais elle ajoute qu'à l'occasion de l'audition « vous portiez de manière ostentatoire un signe distinctif à caractère religieux qui couvrait vos cheveux. Le Comité vous a invitée à vous découvrir, mais vous avez refusé de donner suite à cette invitation et partant à l'audition ».
Par cette décision et ses motifs, le président du CPAS viole trois fois la loi : 1°) Il viole le principe de neutralité qui implique de traiter les usagers d'un service public indépendamment de leurs orientations philosophiques. En exigeant le retrait du foulard avant toute audition, il prend position contre l'une de ces orientations ; 2°) Il viole la Loi concernant le droit à l’intégration sociale (sur les CPAS) qui prévoit avec précision les conditions de l'octroi de l'aide sociale. En exigeant une certaine tenue vestimentaire, il ajoute arbitrairement une condition que cette loi ne prévoit pas ; 3°) Il viole la procédure d'octroi du revenu d’intégration (l'aide sociale) dont l'étape de l'audition fait partie intégrante. Tant que cette audition n'avait pas eu lieu, le président pouvait peut-être reporter toute décision, mais nullement prendre celle du refus.
Soutenue directement par le MRAX et indirectement par la réaction vive du Ministère de l'intégration sociale, Farah a introduit un recours devant le Tribunal du travail. L'audience ne sera pas nécessaire. Le 14 novembre, le bourgmestre (MR aussi) a désavoué le président du CPAS qui a justifié son attitude en faisant appel à l'article 11 de la Constitution sur l’égalité hommes-femmes. Il a en effet reconnu que le CPAS a commis « une erreur d'appréciation ».
Mais le problème révélé par l'incident ne peut être résolu ni par une démarche individuelle ni par la seule démarche judiciaire, car il est loin d'être isolé et ne se réduit pas à un manquement administratif. Il émane d’une attitude de plus en plus systématique de rejet sélectif du seul foulard comme signe religieux : à l'école, dans les bureaux de vote, dans l'accès aux emplois publics, dans les tribunaux... Sous le mauvais prétexte de la « neutralité », cette attitude est en fait inspirée par un racisme « civilisé » et vise massivement les citoyennes de confession musulmane. Elle a pour but de légaliser les discriminations à leur égard, d'instaurer un traitement d'exception, non basée sur la loi commune à tous, de légitimer leur exclusion sociale. Sous le masque hypocrite du souci pour l'égalité entre les hommes et les femmes, ses promoteurs écrasent impunément, cruellement, celles-là mêmes qu'ils prétendent vouloir défendre. Plus grave : cette attitude n’a pas besoin d’élus d’extrême droite pour la promouvoir parce qu’elle est le fait de respectables membres des partis « démocratiques ». (Sources : Le Soir, 28-29/10/2006, La Libre Belgique, 27/10/2006, Communiqué de presse du MRAX, 27/10/2006).
Foulard interdit à l’école
(Juin 2003)
En janvier 2002, Le ministre en charge de l’enseignement supérieur à la Communauté française, Pierre Hazette (MR), a déclaré que l’on s’orientait vers « l’interdiction du port du foulard dans les écoles ». Il a dû faire marche arrière parce que le Ministre-Président de la Communauté française Hervé Hasquin (du même parti) s’est opposé à une « position trop radicale » dans ce domaine sensible. Actuellement, la décision d’interdire le port du foulard est laissée à l’appréciation des établissements scolaires. Beaucoup ne prennent pas une telle décision. Ce ne fut pas le cas de l’athénée Bruxelles II de Laecken qui a exprimé sa volonté d’interdire « le port de tout couvre-chef » dès la rentrée scolaire suivante. Elle vient de concrétiser cette volonté après avoir modifié le règlement d'ordre intérieur de l'établissement et avoir reçu l'aval du ministre de tutelle.
Rappelons d'abord que, d’un point de vue juridique, l’interdiction du voile dans l’enseignement public se heurte à des arguments assez solides. En effet, trois points se dégagent assez nettement de la constitution et des lois de la Belgique et de l'Europe : 1°) On a le droit d’avoir une religion et de la manifester ; 2°) on est libre de s’habiller comme on veut; les raisons pour lesquelles on s’habille de telle ou telle manière, s’ils elles sont religieuses, sont privées et rien n’oblige d’en faire part ; 3°) L’Etat ne peut interdire de porter un type de vêtement que s’il démontre que ce vêtement est une menace pour la santé, la sécurité et la morale publiques, c’est à dire s’il démontre qu’il est un danger pour la personne concernée ou pour ses collègues dans un lieu public ou sur le lieu de travail; A quoi il faut ajouter que la stigmatisation du port du voile peut mener à une atteinte de la liberté de culte et à la discrimination; ce qui contrevient aux directives européennes telles qu’elles apparaissent dans La lutte contre l’intolérance et les discriminations envers les musulmans (Conseil de l’Europe, Recommandations de politique n° 5, Strasbourg, 27 avril 2002).
Un deuxième type d’arguments peut être invoqué. Et d’abord celui-ci : la laïcité à l’école publique, si elle s’impose aux agents de l’école (enseignants, administrateurs, programmes…) ne s'impose pas comme telle aux élèves à condition que le port du voile n’hypothèque pas les missions de l’école. Pas question par exemple de manquer le cours d’éducation physique sous prétexte qu’il faut s’habiller autrement, ou celui de biologie sous prétexte qu’on y parle des organes de reproduction.
Il faut enfin rappeler que la mission de l’école est d’éduquer et de qualifier pour le travail. Or, il est pédagogiquement évident qu’un tel but ne peut être atteint par des interdictions et des exclusions. Les concernées n’ont d’ailleurs pas l’intention de se laisser faire, comme le montre le rassemblement de protestation d’une centaine d’élèves qui a eu lieu devant l’athénée royal de Bruxelles II le 16 mai dernier [2003]. Comme le montre aussi la constitution peu après ce rassemblement du collectif « Touche pas à mon foulard ».
Le problème ici c'est que le harcèlement laïc ne vise que les musulmans. Il n'est pas question de laïcité quand il s'agit de subsidier les écoles catholiques, de donner des noms de saints chrétiens à des milliers d'écoles publiques, de donner l'argent des contribuables (toutes confessions confondues) à des institutions chrétiennes pour faire de « la coopération au développement », de calquer les congés scolaires sur le seul calendrier chrétien, de considérer le Centre d'action laïque comme « culte reconnu », alors que les musulmanes sont interdites d’école…
Assez d'hypocrisie ! La liberté de culte à deux vitesses doit cesser. Le fanatisme laïque aussi.
Foulard interdit à l’hôpital
(Mars 2004)
Le réseau hospitalier Iris a démenti l'existence d'une décision d'interdiction du port du voile dans les hôpitaux publics. Cette version est contredite par plusieurs de ses administrateurs qui soulignent que l'hôpital Bordet avait bien pris cette décision. Le dossier est en négociation entre syndicats et dirigeants d'Iris. Une vieille dame, hospitalisée dans un des hôpitaux du réseau a bien mis les choses au point : « Voilée ou pas, ce qui compte c'est qu'on me soigne bien. De mon temps, les infirmières, c'était des bonnes sœurs. Pour peu que je me souvienne, elles portaient toutes le voile… » Vlan ! (Le Soir, 8 et 10 janvier 2004).
Foulard interdit au parlement
(Septembre 2005)
Le règlement intérieur de la Chambre des représentants stipule en son article 176 que « pendant tout le cours de la séance, les personnes placées dans les tribunes se tiennent assises, découvertes et en silence ». Fin juin dernier, les huissiers ont, conformément à ce règlement, empêché deux femmes voilées d’avoir accès à la tribune de la Chambre. A la demande de certains partis, la Conférence des chefs de groupe a conclu un accord permettant au public de porter un couvre-chef, s’inspirant des règles concernant la photo de la carte d’identité. Ces règles requièrent que « le visage [soit] entièrement dégagé », et, conformément à une circulaire de 1981, qu’il « est souhaitable mais non requis que les cheveux et les oreilles soit également dégagés »; Cet accord est effectif depuis septembre. (Le Soir, 01/07/2005)
Foulard interdit par des règlements d’ordre intérieur
(Septembre 2005)
L’athénée de Gilly (Charleroi) a adopté un règlement d'ordre intérieur qui, au-delà de sa formulation générale à souhait pour faire bonne mesure, vise en fait à interdire le port du voile islamique. On a fait valoir qu'un tel règlement portait atteinte à la liberté de culte inscrite dans plusieurs textes de base (Convention européenne des droits de l'Homme, Constitution belge, décret sur la neutralité...), qu'il instaurait une liberté à sens unique (on est libre de ne pas porter le voile mais pas de le porter), qu'il renversait la hiérarchie des normes légales (un règlement d'athénée primant sur un article de la constitution), qu'il était discriminatoire (certains établissements scolaires sont interdits à certains types de citoyens), qu'il était illégal (l'accès à un droit fondamental est conditionné par l'acceptation d'un type vestimentaire), qu'il pervertissait l'application du principe de neutralité (qui s'impose peut-être aux enseignants, mais nullement aux élèves), etc.
Tout cela n'a servi à rien. La ministre Arena a quand même pris une décision très grave en avalisant les règlements d'ordre intérieur incriminés. Ce faisant, elle a apporté son soutien à l'exclusion et par conséquent aux écoles-ghettos. Car, il ne faut pas s'y tromper, c'est bien de cela qu'il s'agit. Quand on a demandé à la ministre si ces règlements n'allaient pas priver de scolarisation les filles voilées, elle a calmement répondu : « Il existe des projets éducatifs contrastés. Les parents peuvent choisir une école adaptée à leurs aspirations » (Le Soir du 26/08/05). Il faut traduire cette langue de bois ainsi : « que les voilées aillent s'inscrire dans les écoles qui les acceptent ! »
Les concernés, parents et élèves, ne doivent pas donner leur consentement à ce type d'exclusion. Ils ont raison d'être mécontents, et il va falloir se battre : sereinement, mais avec insistance !
Foulard interdit par des règlements d’ordre intérieur (suite)
(Décembre 2005)
En juin dernier, l'athénée royal de Gilly (Charleroi) a décidé de modifier son règlement d'ordre intérieur pour interdire « le port de couvre-chefs dans son enceinte, ainsi que tout comportement, vêtement, insigne, dessins, geste et propos à caractère agressif ou discriminatoire, relevant de principes religieux, philosophiques ou politiques ». En réaction, quelques 300 élèves (voilées ou pas, garçons et filles) sont entrés en grève pour protester contre cette mesure et des parents se sont joints à leur protestation. Mais le Conseil de participation de l'Athénée (direction, enseignants et parents) a entériné à la majorité des deux tiers le nouveau règlement, tout comme l'Athénée royal de Vauban (Charleroi) quelques semaines plus tôt. Un Comité des parents a alors déposé une plainte (citation en référé) contre la Communauté française afin d'écarter le nouveau règlement.
Arguments des avocats : 1°) l'interdiction des signes religieux peut conditionner le libre accès à l'enseignement public (qui est un droit fondamental) ; 2°) L'Arrêté de 1999 prévoit un ensemble de règles minimales que doivent appliquer toutes les écoles de la Communauté française. Chaque école peut ensuite adopter des règles supplémentaires, mais elles doivent compléter les premières. Or celles-ci ne prévoient rien sur la possible interdiction d'une tenue vestimentaire ; 3°) Si une règle uniforme n'est pas appliquée à toutes les écoles, on crée les conditions pour le développement d'écoles-ghettos : les élèves allant s'inscrire uniquement dans celles où le port du voile est admis.
Le mercredi 24 août dernier, le tribunal a rendu son jugement. Sur le principal, il a estimé la citation non fondée puisque le délai d'approbation réservé à la Ministre Arena (60 jours après réception de la notification de l'athénée) n'est pas encore écoulé. Il n'y a donc pas « urgence » (caractère nécessaire à la recevabilité des citations en référé). Or le jeudi 25 août, c'est à dire le lendemain, la ministre a pris sa décision d'approuver la modification des règlements d'ordre intérieur (Le Soir 25 et 26/06/05).
Il est difficile, au vu de ce déroulement et du fait que tout s’est fait au dernier moment avant la rentrée scolaire, de ne pas avoir l'impression d'une sorte de « manœuvre calculée ». En tout cas, le résultat est que chacun a trouvé une échappatoire. Le tribunal a pu statuer sur la seule recevabilité et non sur le fond (puisque la décision attaquée n'existait pas encore) ; tandis que la ministre a pu prendre une décision qui ne pouvait plus être attaquée en référé (elle l’avait déjà été). Mais l'affaire n'est pas terminée. Un recours au Conseil d'Etat a été déposé début septembre. (Le Soir, 07/09/05).
Foulard interdit aux guichets
(juin 2007)
Plusieurs associations ont manifesté à Anvers le lundi 15 janvier dernier. Les manifestants entendaient protester contre l'interdiction de port du voile que l'administration communale veut imposer à son personnel. Celle-ci, dirigée depuis peu par des sociaux-démocrates, justifie la mesure par le « souci de neutralité ». Les associations, elles, répondent que « la neutralité doit être garantie au niveau des services prestés, pas au niveau de l'apparence. » Elles ajoutent que l'interdiction revient à restreindre le droit au travail des femmes musulmanes. Lors de la première séance du nouveau conseil communal, les partis au pouvoir ont ignoré le message des manifestants et approuvé l’interdiction. Pour info : à Bruxelles (Commune de Saint-Gilles), une réglementation similaire est déjà d'application depuis 2005. A Liège (on est plus malin !), elle est d'application …sans règlementation. (Le Soir, 17/01/2007).
Chez beaucoup de membres du Parti socialiste la tendance est ancienne. On se souvient qu’en 2004 déjà les sénateurs Mme Lizin (PS) et M. Destexhe (MR) voulaient obtenir l'interdiction de tout signe religieux « ostensible » dans l'enseignement public obligatoire et les administrations. Mme Lizin avait même écrit un petit livre pour convaincre ses amies de parti qui étaient hésitantes (par ex. Mmes Arena et Onkelinx). Elle s’était retrouvée du côté du premier ministre de droite (VLD) qui a déclaré que le voile était inadmissible dans la fonction publique et du ministre de l'intérieur (VLD aussi) qui plaidait pour une loi l'interdisant (Le Soir, 6-10-11 janvier 2004).
Racisme lambda et racisme institutionnalisé
(Décembre 2006)
Lors de sa tournée en Chine fin octobre dernier, M. Reynders (MR) a dit avoir constaté la tolérance dont paraît jouir la pratique religieuse au Tibet. Or, c'est pendant ce même mois d'octobre qu'un membre de son parti (président d'un Centre Public d'aide sociale, CPAS) a mis en demeure une jeune femme d'ôter son voile sous peine de ne pas être entendue et donc de ne pas recevoir d'aide sociale
Le fauteur a fini par reculer, mais la discrimination révélée par cet incident est loin d'être isolée. Dans de nombreux domaines, des femmes musulmanes, parce qu'elles portent le foulard, sont comme travailleuses arbitrairement exclues des emplois publics, comme étudiantes de certaines écoles secondaires, comme citoyennes de leur devoir d'assesseur, de l'assistance à une audience de tribunal ou une séance du Parlement.
Cette situation est le résultat d'une attitude de plus en plus systématique de rejet sélectif du seul foulard. Sous le mauvais prétexte de la « neutralité de l'Etat », elle a pour but de justifier les discriminations à l'égard des citoyennes de confession musulmane, de les soumettre à un traitement d'exception, non basée sur la loi commune à tous, et de légitimer ainsi leur exclusion sociale. Sous le masque hypocrite du souci pour l'égalité entre les hommes et les femmes, les promoteurs de cette attitude écrasent impunément, cruellement, celles-là mêmes qu'ils prétendent vouloir défendre.
Les victimes de cette situation peuvent, doivent légitimement formuler des revendications spécifiques, notamment en matière d'égalité des droits. Or, il suffit de s'aventurer à le faire pour être aussitôt taxé de « communautariste » comme on a pu en faire l'expérience directe pendant la campagne des dernières communales. C'est de l'intimidation bien sûr (visant à pousser au renoncement aux droits), mais c'est aussi du mépris, quand on sait que presque tout dans ce pays est organisé sur la base du « communautarisme ». Deux poids, deux mesures : seul le communautarisme des autres est mauvais !
Sous-tendue par un racisme « civilisé », Cette attitude est loin d'être propre aux partis d'extrême droite. On n'arrête pas de nous chanter que, pour contrer ceux-ci, il faut voter pour n'importe quel parti « démocratique ». Mais, franchement, Farah pouvait-elle voter pour le parti du président du CPAS à Wavre, et le chauffeur d'origine marocaine (traité de « sale nègre » par un membre du Parti socialiste à Liège) pouvait-il voter pour la liste sur laquelle figurait en bonne place son agresseur ?
Non ! Car, pour contrer l’extrême-droite, les partis démocratiques doivent d’abord mettre fin au racisme institutionnel qu’ils promeuvent ; ils doivent contrer le racisme qu’il y a dans leurs pratiques, dans leurs rangs, au lieu de s’en prendre aux petites gens qui sont simplement dépassées par les enjeux et qui votent extrême droite parce que — à raison — ils en ont marre, mais se trompent d’ennemis !
Ecologie religieuse : des pommes d’Adam bio
(février 2010)
Jean-Michel Javaux, du Parti Ecolo, est bourgmestre de la Commune d’Amay. Dans une interview au journal Le Soir, il a glosé sur sa vie spirituelle privée, déclarant qu’il était catholique, qu’il allait à la messe le dimanche, etc. Commentaire.
Concernant le « coming out » religieux de M. Javaux, je voudrais attirer l'attention sur un aspect qui, à ma connaissance, n'a pas été signalé. Dans de nombreuses communes, la présence de femmes voilées au guichet est interdite, de droit ou de fait. Le but, nous dit-on, est de préserver l’apparence du caractère neutre du service au public.
L'application de ce principe devrait être valable pour M. Javaux, car tout le monde sait maintenant qu'il n'est pas neutre, ni en réalité ni en apparence. Le bourgmestre (donc le magistrat) d'Amay porte bel et bien un couvre-chef : une ostentatoire burka catholique. Celle-ci n'a pas de « visibilité dans l'espace public », alors même qu’elle est portée... en toute transparence, parce qu’être chrétien continue d’être un privilège aveuglant.
Si M. Javaux a eu le courage d'aller à « confesse médiatique », pourquoi n'aurait-il pas celui de porter sa croix jusqu'au Golgotha du « pas de côté » à la Commune ? Et si cela lui fait mal (à la poche ou à la carrière), il pourra toujours crier : « Media, media, pourquoi m'as-tu abandonné ? »
On nous dira que M. Javaux est suffisamment intelligent pour rester neutre. Ce n'est là qu'une pirouette ! Un : concernant les femmes voilées, il ne s'agit pas de leur capacité d'être neutres, mais du ressenti (préjugé ?) de l'usager du service public en face d'un « agent de l'autorité » qui n'est pas neutre en apparence ; et M. Javaux ne l’est plus en réalité. Deux : quand on avance que M. Javaux est suffisamment intelligent, on laisse entendre implicitement que les femmes voilées, elles, ne le sont pas, ou pas assez. N'est-ce pas le racisme social, voire colonial qui, ici encore, pointe le bout du nez : la racaille est stupide et les indigènes mentalement sous-développés ?
M. Javaux a déclaré que, sur la question du voile, il changeait de point de vue tous les quinze jours. Il reste alors à espérer que ses « apôtres », eux, ne maintiendront pas leur conception d’une neutralité à deux vitesses dans le siècle des siècles. Amay-n !
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