L’extrême droite ne se réduit pas
au Vlaams Blok et au Front National
(avril 2003)
Au lendemain des résultats du premier tour des présidentielles françaises, une politicienne belge n’a pas hésité à déclarer que cela la confortait dans sa « conviction qu’il faut maintenir le caractère obligatoire du vote en Belgique ». Un peu plus, et elle proposerait d’envoyer en prison ceux qui ne voteraient pas. Mais admettons que l’idée d’obligation soit défendable, il ne lui vient pas à l’esprit « d’obliger » les étrangers à voter aussi. Cela, évidemment, elle et bien d’autres n’en veulent pas et, à moins de s’aveugler, ils n’en veulent pas pour des raisons semblables quant au fond à celles de l’extrême droite : Les étrangers doivent rester tels, sans droits citoyens.
Voici où on en arrive avec cette logique : les partis de Belgique veulent que nous votions pour eux. Quand ils sont au pouvoir, ils se contentent de gérer le statut quo social en faveur des puissances de l’argent ; cela les discrédite, accroît l’abstention et le vote blanc et crée donc une des conditions de la montée de l’extrême droite. Voyant qu’ils perdent des voix, ils nous mettent alors en demeure de choisir entre la peste et le choléra, de leur donner les moyens de continuer… comme avant. Est-ce que ce n’est pas prendre les gens pour des imbéciles ? En réalité, les choses sont beaucoup plus graves. Depuis plusieurs années et dans de nombreux domaines, ce sont des politiques d’extrême droite qui sont déjà menées. Qu’on en juge !
Politique intérieure.
Ce sont des politiques d’extrême droite qui sont menées quand on démantèle les services publics et qu’on s’attaque aux conquêtes de protection sociale ; quand on vote massivement la suppression du minimex aux dépens des plus démunis pendant qu’on multiplie les allègements fiscaux en faveur des plus riches ; quand on criminalise les grèves alors qu’on tolère ou légalise - sous couvert de compétitivité et de flexibilité - les licenciements abusifs et les emplois précaires et sous payés ; quand on cherche à limiter ou à supprimer le contrôle du Sénat et du Conseil d’Etat …
Ce sont des politiques d’extrême droite qui sont menées lorsqu’on rejette massivement le droit de vote pour les étrangers alors que ceux-ci sont les alliés potentiels de la démocratie contre le fascisme ; lorsqu’on protège la détention arbitraire dans les centres fermés et qu’on légalise les expulsions violentes et parfois meurtrières ; lorsqu’on applique la double peine à ceux qui ont commencé par être les victimes des discriminations et de l’exclusion ; lorsqu’on commandite des enquêtes sur les rapports entre criminalité et immigration et qu’on promeut une approche sécuritaire des problèmes sociaux ; lorsqu’on légalise la suspicion de tous les mariages mixtes ; lorsqu’on se contente d’une législation si limitée et une procédure si lente que la majorité des actes racistes reste impunie…
Politique extérieure.
Ce sont des politiques d’extrême droite qui sont menées
- lorsque, avec une célérité digne d’une cause meilleure, le démocratiquement élu gouvernement belge a appuyé ceux qui ont renversé par un coup d’Etat le président démocratiquement élu du Venezuela, alors que ce même gouvernement a fait la fine bouche devant les élections du Zimbabwe et s’est associé aux mesures de boycott ;
- lorsque on s’associe à un embargo génocidaire contre le peuple d’Irak sous prétexte de dictature et d’armes de destruction massive, pendant qu’on tolère la dictature en Arabie Saoudite et les mêmes armes de destruction chez les Etats-Unis - les seuls qui les ont déjà utilisés pour détruire massivement au Japon ou au Vietnam ;
- lorsqu’on prétend maintenir une « position équidistante » entre l’occupant sioniste qui refuse d’appliquer les résolutions de l’ONU et l’occupé palestinien qui appelle de tous ses vœux l’application de ces mêmes résolutions – une position de neutralité entre l’illégalité et la légalité internationale ;
- lorsqu’on multiplie les minutes de silence pour les victimes de « race supérieure » du 11 septembre, alors qu’on n’a pas consacré une seule seconde aux « sous-hommes » du Rwanda, de Somalie ou de Sabra et Chatila ;
- lorsqu’on trouve parfaitement normal que les neuf dixièmes de l’humanité croupissent dans la misère la plus noire pendant qu’une petite minorité se vautre dans un luxe indécent …
Lorsqu’on fait tout cela, on porte gravement atteinte à la démocratie, on porte gravement atteinte à l’égalité qu’elle implique entre les citoyens et entre les peuples. On réduit la démocratie à des faux-semblants et des « mécanismes », et on oublie que la démocratie c’est d’abord et surtout la liberté du faible, de l’exploité et de l’opprimé de lutter contre celui qui l’écrase.
Au vu de ce qui précède, il est logique de dire qu’aussi longtemps qu’on mènera officieusement des politiques d’extrême droite, les grandiloquents appels à la lutte contre l’extrême droite officielle seront aussi hypocrites qu’inefficaces.
Il est logique de dire que l’extrême droite continuera d’avancer aussi longtemps qu’on se contentera – pour toute réponse au danger fasciste qui nous menace tous - d’appeler à voter « obligatoirement » pour les « partis démocratiques », aussi longtemps qu’on ne s’inquiétera de ce danger qu’à l’approche des élections, aussi longtemps qu’on réduira le programme de l’extrême droite aux seuls aspects de la haine de l’immigré et de la sécurité individuelle.
Il est logique de refuser la tutelle à laquelle on veut soumettre les gens pour les « sauver » de l’extrême droite, si le prix en est l’acceptation du statu quo social et politique.
Il est logique enfin que les gens, comme les millions de Français sortis dans les rues, veuillent être acteurs de la lutte contre les politiques d’extrême droite d’où qu’elles viennent.
Avec tous ceux qui, ici, veulent faire de la lutte contre l’extrême droite un combat permanent, nous nous unirons pour :
§ L’égalité des droits de tous les résidents sans distinction de nationalité,
§ Une participation politique qui ne se réduise pas au bulletin de vote,
§ Une société juste et fraternelle basée sur une économie répondant aux besoins des
gens et non soumise à la rentabilité financière,
§ Des rapports de coopération et de solidarité entre des peuples égaux.
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