Manœuvres étrangères au Darfour

Les principaux enjeux

(Septembre 2004)

En avril 1994, face aux événements au Rwanda, le gouvernement américain s'était opposé à ce qu'on utilise le mot « génocide ». Il s'y était opposé parce cela impliquait, pour l'ONU, l'obligation légale d'intervenir militairement. On sait aujourd'hui que c'était un « génocide » indiscutable, mais que la situation créée par ce même « génocide » était plus conforme aux intérêts des multinationales américaines.

Dix ans plus tard, le gouvernement américain est en train de tout faire pour que ce qui se passe au Darfour (nord-est du Soudan) soit reconnu par la communauté internationale comme « génocide ». Conclusion : il veut intervenir militairement au Soudan parce que, dans ce cas, cela est conforme aux intérêts de ses multinationales. Le congrès américain a, lui, déjà décidé que ce qui se déroule au Darfour est un « génocide » et le gouvernement américain essaie de faire passer une résolution de l'ONU reconnaissant cette situation et appelant à des mesures contre le Soudan, à commencer par le boycott de son… pétrole.

Les intérêts matériels des multinationales au Soudan sont simples : il y a un marché et du pétrole et elles les veulent pour elles. Les intérêts stratégiques du gouvernement américain sont tout aussi simples : Il y a aussi de l'uranium et il y a le fait que le pétrole est exploité et principalement acheté par la Chine, actuellement et à l’avenir le concurrent commercial le plus redoutable de l’empire américain. Il faut donc affaiblir le gouvernement soudanais qui permet cela.

Dans le Darfour, il y a, c'est indéniable, une guerre civile qui a entraîné des milliers de morts et de réfugiés. Elle oppose le mouvement armé indépendantiste du Darfour au gouvernement soudanais - directement ou par le biais de « groupes paramilitaires ». La politique économique du gouvernement soudanais ne plaît pas au gouvernement américain et on a vu pourquoi.

Par contre, ce que fait le mouvement indépendantiste lui convient parfaitement. Dans quelques mois ou quelques années, on découvrira, comme on l'a fait au Kosovo et ailleurs, que ce mouvement est directement ou indirectement financé et armé par la CIA (elle l'a déjà fait pour le mouvement indépendantiste au sud Soudan dirigé par John Garang). Et ce n’est pas pour les intérêts « humains » du Soudan.. Ces intérêts ne les intéressent nullement : ils l’ont déjà montré en 1998 en bombardant l’usine pharmaceutique qui produisait bon marché 60% des médicaments du pays.

Autre indice : le Front de Libération du Darfour, devient Armée de libération du Soudan et redouble ses attaques en mars 2003, juste au moment où l'armée américaine lance sa guerre d'agression contre l'Irak.

Les tambours de guerre

(Décembre 2006)

Depuis le début de l'année, une vaste campagne est organisée au Etats-Unis pour préparer l'opinion publique à une intervention militaire américaine au Soudan (*). Pétitions et médias matraquent les messages parlant de « génocide », « d'épuration ethnique », de « nouvel holocauste », d'état soudanais « terroriste », etc. Une lettre ouverte a été signée demandant avec insistance au président Bush qu’il envoie des troupes. Un cours national spécial sur la situation à l’attention des étudiants a été instauré afin de susciter un soutien de masse à l’intervention.

La campagne a culminé, le 29 avril dernier, dans une manifestation à Washington afin de « sauver le Darfour ». Elle a été planifiée et sponsorisée principalement par le lobby sioniste et par des dizaines d'associations évangélistes et soutenue par le président américain qui a reçu et remercié les organisateurs. Elle n'a pourtant réussi à rassembler que quelques milliers de personnes, mais elle a bénéficié d’une couverture médiatique impressionnante. Alors que l’information sur la manifestation de la veille à New York (plus de 300.000 personnes) contre la guerre en Irak a été minimale.

On le sait par expérience : dès que le gouvernement américain se met à parler de « problèmes humanitaires » ailleurs que chez ses alliés, de « garantir la paix » ailleurs que là où il fait déjà la guerre, c'est qu'il veut intervenir militairement pour protéger ou promouvoir les intérêts de ses multinationales.

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(*) Le Soudan est aussi vaste que toute l'Europe occidentale, avec une population de seulement 35 millions d’habitants. Le Darfour (de la taille de la France) est habité par quelques 6 millions d’habitants. Il y a une trentaine d'ethnies au Darfour et plus de 400 pour l'ensemble du Soudan, parlant des dizaines de langues locales avec l'arabe comme langue commune. Les habitants sont massivement d'origine africaine et Musulmans sunnites. La présentation du conflit du Darfour comme un conflit entre des « milices d'Arabes musulmans » et des « populations africaines » est donc de l'intoxication.