Le prétendu rempart de la démocratie

(octobre 1998)

Bien avant les législatives de juin 1991, les généraux d’Alger avait entrepris une campagne de presse visant principalement le public européen. Le but en était de faire passer leur régime pour le défenseur des bienfaits de la « civilisation » et l’Etat de droit est un rempart face à la brutalité de la « barbarie islamiste ».

Plus tard, quand la violence devint le lot quotidien de tous, le ministère de l’intérieur adressa une recommandation aux médias, érigeant ce même ministère en source unique de toute information légale et leur conseillant de « mettre en évidence le caractère inhumain des pratiques barbares des terroristes… », autrement dit, de faire de l’intoxication. L’Etat ayant le monopole des imprimeries, de l’importation du papier et du pactole publicitaire, les journaux qui avaient des velléités d’indépendance n’ont souvent eu d’autre choix que celui de l’obéissance. Et cela a contribué à laisser dans l’ombre les exactions et les violences du régime.

Les choses ont peu à peu changé. Des informations précises et en nombre grandissant, des témoignages concordants – certains émanant des rangs de militaires eux-mêmes comme moyens de la guerre des clans – montrent de plus en plus nettement à tous ceux qui n’ont pas peur de la vérité, à tous ceux qui n’ont pas de partis pris, que les généraux d’Alger sont ce que le peuple algérien sait très bien depuis la répression sanglante de la révolte d’octobre 1988 : des fascistes, tout simplement.

La presse indépendante a été poussée à faire état de cette dure réalité, avec de moins en moins de précautions de langage. Il a publié des « révélations » sur ce qui était connu depuis longtemps : les assassinats, les disparitions, la torture, la manipulation de l’appareil judiciaire, l’utilisation cynique de la lutte « anti-terroriste » pour étouffer le besoin de justice et de dignité des déshérités – le but étant d’asseoir un pouvoir sans partage où ceux qui avaient déjà trop aient encore plus et ceux qui avaient si peu aient encore moins et ne puissent même pas pleurer, résister au sort qui leur est fait.

Au moment où les généraux d’Alger sont en train de tisser et de consolider des liens multiples avec les Etats-Unis (rôle grandissant des compagnies américaines dans l’exploitation du pétrole), il devient de plus en plus clair que si les groupes armés se réclament de l’Islam sont peut-être des ennemis du peuple algérien, ils ne sont certainement ni les plus puissants, ni les plus dangereux.

Ceux qui sont ainsi sont bel et bien au pouvoir et c’est à les combattre qu’il faut se préparer. Et pour bien le faire, il faut commencer par abandonner nos illusions sur le régime en place : c’est contre la démocratie et une authentique indépendance nationale, et rien d’autre, qu’il est un rempart.

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